Carte Blanche – Régis Sénèque
» Dans mes œuvres récentes, que j’appelle Tout Monde, Glaciers ou De ce Monde, j’utilise des blocs de béton qui sont simplement un amalgame de photographies d’archives tendanciellement abîmées, presque effacées. La liaison entre les matériaux apparaît comme une forme de réparation, où le revêtement de feuilles d’or remplit également une fonction de restauration, voire de sacralisation. Tous ces matériaux convoqués représentent une sorte de tablettes pétrifiées ou fossilisées qui voyagent dans le temps et sont les gardiennes de nos souvenirs.
Ces petits fossiles parlent en réalité de vestiges et de réminiscences du monde tel que nous le connaissons ou d’un monde qui n’existe plus, car il s’agit souvent de photographies d’archives. Cette méthode indique essentiellement mon rapport à toutes les manifestations évidentes de la virtualisation et de la dématérialisation vertigineuses de la société moderne. Ces blocs ont été réalisés en béton comme matériau le plus «concret » dans une fonction symbolique.
Afin de revenir au concret et au tangible, les Anglais utilisent le concret pour le concret, et que choisir de plus concret que le concret, pour matérialiser un monde qui est en train de résister, à l’horizon d’une dématérialisation complète.
Puisque je veux me référer à d’autres matériaux pour former une sorte de dictionnaire personnel, l’utilisation des livres comme supports de transmission les plus adéquats et l’intervention même sur eux n’est qu’un prolongement de la dialectique mentionnée de la résistance au mourant de la matière et de la mémoire. Malgré le pessimisme général alarmant quant à l’avenir de notre civilisation, chacune de mes rencontres avec la matière, chaque acte de querelle que je subis au quotidien, et toutes les heures interminables passées à coudre et à tricoter, sont une manifestation du rejet catégorique de la idée de finitude ; «